Entretien avec Cheikha H. Nur Artiran 

Votre maître spirituel, Şefik Can Dede, juste avant sa disparition en 2005 à l’âge de 99 ans, vous a accordé le titre de « Mesnevîhân », lecteur du Mesnevi, l’Oeuvre majeur de Jalâl al-Dîn Rûmî. Mais avant de parler de cette fonction, pourriez-vous nous dire comment vous avez rencontré la sagesse de l’islam soufi ? Est-ce un héritage familial ? Une découverte personnelle ? 

Par la grâce de Dieu, je suis venue au monde au sein d’une famille soufie. Toute mon enfance s’est passée dans divers tekke et centres spirituels en Anatolie. Mes grands-parents, ma mère, mes tantes, mes frères et sœurs étaient tous des soufis. J’ai donc appris auprès des maîtres spirituels de cette époque le code de politesse tant sur le plan temporel que spirituel, ainsi que le sens du bien et du mal dans la vie. Feue ma mère était l’une des derviches les plus fidèles et les plus constantes. Cette fidélité, cette constance de ma mère envers son maître et son amour du service dans la voie furent un modèle pour moi. J’ai donc reçu de ma mère à la fois une éducation maternelle et une éducation soufie d’une grande profondeur. J’ai pu voir et apprendre, grâce au service hors du commun de ma mère vis-à-vis de son maître, l’importance que revêt le service et la soumission dans la voie du derviche. Étant donné que toute notre famille proche était soufie, nous n’avons pas eu beaucoup de relations avec des gens étrangers au soufisme. C’est pourquoi on peut dire que j’ai longtemps vécu sans savoir qu’il y avait dans le monde un autre mode d’existence.   

Comment avez-vous rencontré Şefik Can Dede après votre premier maître ? Qu’est-ce qui vous a conduit vers lui ? 

Comme en maintes choses mystérieuses, lorsque l’heure arriva, les jours bénis et sacrés avec mon premier maître prirent fin par l’effet de la Miséricorde. Au décès de mon maître spirituel, un signe spirituel m’indiqua que mon cheminement s’orientait désormais vers Mevlânâ. Il s’agissait bien évidemment d’un signe sans lettres et sans voix. A la suite de cette théophanie Seigneuriale, j’ai commencé à chercher mon maître Mevlevi. J’ai entendu pour la première fois le nom de ‘Mesnevîhân Şefik Can’ en 1996 au cours d’une réunion spirituelle. A peine avais-je entendu ce nom béni, et à l’instar de ce qui s’était passé avec mon premier maître, mon cœur se lia profondément à lui sans même l’avoir vu et sans le connaître. “Şefik Can !” Le simple fait de répéter ce nom nous emmène vers l’amour et l’exaltation. Son simple nom avait déjà suffi à procurer dans mon cœur un contentement et une paix intérieure. Je me suis tout de suite efforcée de le connaître et d’aller à sa rencontre. Ô mon Seigneur ! Quel trésor immense ! Quel grand homme ! Quel grand AMOUR ! Si grand que cela n’est pas ostensible pour l’œil corporel. L’œil a aussi une capacité limitée. Si vous dites à votre œil de voir le monde entier, il ne pourra en aucun cas le réaliser. Ainsi Şefik Can incarnait cette totalité. C’est pourquoi je n’avais pas à réussi tout de suite à le trouver, à le voir. C’était une personnalité éminente parvenue à l’extinction dans la voie d’amour de Mevlânâ, un véritable amoureux de Dieu. J’avais finalement trouvé ce que je cherchais et je me suis rattachée à lui de toute mon âme sans la moindre hésitation. Durant à peu près huit ans, je me suis évertuée à le servir jour et nuit sans jamais le quitter et à tirer profit de sa science et connaissance ésotérique. 

L’extinction dans la Voie d’amour semble être le but du soufisme. Qu’est-ce que cette extinction ? 

Qu’est-ce que la non-existence ? Mevlânâ Jalâl ud-Din Rûmî aborde ce sujet dans son Mesnevi de la manière suivante : “La construction consiste en la destruction et la réunion en dispersion et la totalité en cassure ! Le succès consiste en insuccès et l’existence en non-existence. Il en va ainsi avec le reste des contraires et des paires ! Pour construire quelque chose de neuf, il importe de détruire l’ancien. Il convient d’élaguer certaines branches d’un arbre pour qu’il donne de meilleurs fruits. Si tu n’es pas non-existant, tu ne pourras pas accéder à la véritable existence ! J’ai trouvé l’existence dans la non-existence ; aussi ai-je sacrifié mon existence en non-existence. Tout le monde est enivré d’amour pour celui qui est enivré pour eux. Les cœurs de ceux qui ravissent les cœurs sont captivés par ceux qui ont perdu leur cœur : tous les aimés sont la proie de leurs amoureux. Celui que tu considères comme un amoureux, regarde-le comme le bien-aimé, car il est à la fois ceci et cela. Si ceux qui ont soif cherchent l’eau dans le monde, l’eau aussi cherche dans le monde ceux qui sont assoiffés. Qu’est-ce donc l’amour ? L’amour est la mer de la non-existence. La véritable non-existence est de s’éteindre dans l’Être de Dieu. Si tu Lui offres ta non-existence, Il t’offrira Son Être sublime !” 

Ces paroles expriment d’une manière limpide ce qu’est la non-existence, mais recèlent en même temps un sens spirituel profond. La non-existence consiste à considérer notre propre être mortel, notre volonté et nos aspirations matérielles comme non-existants face à la Majesté du Créateur suprême et Sa Volonté. A l’instar d’une petite bougie qui reconnaît sincèrement que sa lumière n’est que peu de chose face à la lumière du soleil, notre corps ressemble à une cruche, nos pensées et ressentis sont comme l’eau dans cette cruche. Si l’on veut remplir la cruche avec de l’eau pure, il faut nécessairement au préalable vider l’eau infestée de microbes et désinfecter la cruche. Le non-être consiste à vider de notre cœur nos pensées, ressentis et aspirations dépourvus d’intérêt devant la Présence divine afin de les remplacer par des pensées et ressentis pures susceptibles d’apporter une contribution à la paix et à l’amitié, sur le plan individuel et sociétal. Nous pouvons aussi appeler cela l’eau de la Miséricorde divine qui est un remède à tous les maux. 

Quels sont dès lors les pièges qui peuvent empêcher la réalisation de cette extinction ? 

Comme cela a été dit plus haut, le non-être exprime en réalité le perfectionnement de l’homme. En effet, ce sont les pensées et ressentis néfastes à nous-mêmes et à notre environnement que nous nous efforçons d’anéantir. Il ne s’agit donc pas d’une véritable extinction, mais d’une éducation intérieure permettant de s’accomplir spirituellement. Nous pourrions ici énumérer d’innombrables pièges. Cela dit, la source première est notre âme charnelle, c’est-à-dire notre moi, notre ego. Tout ce qui renferme un ressenti de “Moi” est de nature à empêcher ce perfectionnement. De ce point de vue, la haine, la colère, l’avarice et la concupiscence sont tout particulièrement dangereuses. La concupiscence consiste à accorder une prééminence aux aspirations terrestres par rapport aux valeurs spirituelles. Tout ce qui nous éloigne du Créateur suprême peut être considéré comme de la concupiscence. Dieu est Un, et par conséquent, Il veut voir Ses serviteurs dans cet état d’unité. En d’autres termes, Il veut que nous soyons empreints de “l’Unicité divine”, dont l’affirmation est le fondement de l’Islam. A ce niveau, le piège le plus redoutable est d’être en proie à la dualité en faisant des distinctions entre les hommes fondées sur la religion, la langue, la race, la richesse et le sexe.

La sourate “La Table servie” du Coran exprime cette idée ainsi : “Nous avons donné à chacun d’entre eux une règle et une Loi. Si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté. Mais Il a voulu vous éprouver par le don qu’Il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les bonnes actions. Votre retour, à tous, se fera vers Dieu. Il vous éclairera alors au sujet de vos différends.”

Dans le même ordre d’idées, un verset coranique de la sourate “Les Appartements privés” énonce : “Ô vous, les hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle. Nous vous avons constitués en peuples et en tribus pour que vous vous connaissiez entre vous. Le plus noble d’entre vous, auprès de Dieu est le plus pieux d’entre vous. Dieu est celui qui sait et qui est bien informé.”

Comme on peut le constater, Dieu dit dans le Coran : ‘Si Nous l’avions voulu, Nous aurions fait de vous une seule communauté, mais Nous ne l’avons pas voulu. Nous avons donné à chacun d’entre vous une Loi. Nous allons éprouver chacun selon sa Loi. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les bonnes actions.’ En outre, Il dit : ‘Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle. Nous vous avons constitués en peuples et en tribus. Le plus noble d’entre vous, auprès de Dieu est le plus pieux d’entre vous.’  Il s’ensuit qu’aux yeux de Dieu le meilleur des hommes est celui qui est le plus proche de Lui, et non l’appartenance à une quelconque race, nation, État ou encore d’être un homme ou une femme !

En définitive, le fait de demeurer étranger à cette conception de “l’Unicité divine”, sans prendre conscience que les différences et les contraires qui peuplent l’univers sont une manifestation du secret de la création, constitue le danger majeur dans cette voie qui mène à la non-existence.   

Vous citez parfois cette parole de Rûmî : « lorsque l’obscurité augmente, il faut que la lumière augmente ». Mais cette obscurité n’est pas seulement dans le monde, elle est aussi à l’intérieur de nous. Quelle est la voie à suivre pour dissiper l’obscurité de l’âme qui entraîne la confusion ? 

Oui, Rûmî dit : “Lorsque l’obscurité augmente sa noirceur, il faut que la lumière augmente sa lumière.”. En d’autres termes, lorsque des êtres animés de pensées obscures et de ressentis négatifs commencent à semer des graines de mal sur la terre, que les êtres dotés de pensées positives livrent un combat contre ces gens au moyen de pensées et ressentis positifs. La source de ce combat est l’unicité et la compassion. C’est là un combat ardu et basé sur la connaissance, mais ce combat se termine immanquablement par la paix et le bien-être. Les obscurités intérieures ne sont pas différentes de celles qui sont à l’extérieur de nous. Car Satan n’est pas à l’extérieur mais à l’intérieur de nous. C’est la raison pour laquelle le Prophète Muhammad a dit : ‘La plus grande guerre est celle que l’homme livre face à son âme charnelle’. La spiritualité est la seule voie permettant de dissiper l’obscurité qui habite l’homme. Et pour parvenir à cette Lumière divine, nous devons entreprendre un cheminement initiatique de nous-mêmes vers nous-mêmes et instaurer un juste équilibre entre la matière et l’esprit. Puisque nous avons besoin d’un guide même pour accomplir un voyage touristique, il nous faut aussi absolument un guide pour atteindre notre objectif dans ce voyage spirituel nimbé de mystères. L’aboutissement de ce voyage est de vivre une existence qui sied à l’homme, et ce conformément au but de sa création. Étant donné que nous menons généralement une existence matérielle, très loin du sens spirituel, nous sommes en proie au désespoir, au malheur et au mécontentement dans un état de vide spirituel. Si nous parvenons à prendre conscience des valeurs humaines et spirituelles incarnant le secret de la création, les aspirations et les désirs mondains vont perdre de leur importance, et partant, l’obscurité deviendra clarté.

Rûmî a-t-il évoqué certains pièges de la vie spirituelle ? 

Toutes les paroles de Mevlânâ Jalâl ud-Din Rûmî doivent être comprises comme une invitation des hommes à l’Amour Divin. Il n’y a pas de place à la dualité évoquée plus haut dans la voie des amoureux. L’Amour est entièrement non-existence. Il n’y a là-bas aucune place à la haine, à la colère et à la pensée de moi-toi. 

Dans son Mesnevi, Rûmî montre aux hommes les moyens de s’affranchir de ces dangers.  Il met en évidence avec des centaines d’exemples à l’appui la laideur de l’âme charnelle de l’homme et la beauté sans pareille de notre Seigneur. En ce sens, le Mesnevi est un excellent ouvrage pour nous connaitre nous-mêmes, et partant, connaître notre Seigneur.

Vous citez également cette parole de Mohammad Iqbal, ce grand sage indo-pakistanais : « L’Occident s’est tourné entièrement vers le monde matériel, oubliant le monde spirituel. L’Orient s’est tourné entièrement vers le monde spirituel, oubliant le monde matériel. Tous deux se sont égarés ! ». N’est-ce pas là l’une des raisons des drames du monde d’aujourd’hui ? La source de la lourdeur qui nous habitent et nous empêchent d’avancer dans nos évolutions spirituelles ?

En effet, c’est bien parce que c’est l’un des drames majeurs qui nous éloigne de notre origine, de notre essence et de la Vérité qu’Iqbal a dit une telle parole. C’est là un avertissement à prendre très au sérieux afin de corriger nos erreurs. L’esprit humain est symbolisé par un oiseau. La matière et l’esprit sont comme les deux ailes de cet oiseau. Aucun oiseau ne peut voler avec une seule aile. Pour cette raison, comme cela a été dit plus haut, il importe nécessairement d’instaurer un juste équilibre entre la matière et l’esprit. Le Prophète Muhammad a dit à ce propos : “Œuvre pour ce monde comme si tu devais y vivre éternellement, et œuvre pour l’au-delà comme si tu devais mourir demain.”  et “Le meilleur des hommes est celui qui est utile aux autres.”  Pour être un membre actif à part entière dans la société au service de la paix, du respect et de l’unité, nous ne pouvons pas nous désintéresser entièrement du monde et de la matière. Il y a une mauvaise compréhension sur la manière dont les prophètes et les grands saints voient le monde et la matière. Rûmî dit : “Le monde, c’est tout ce qui t’éloigne de Dieu”. Et en disant cela, il ne vise pas cette terre remplie des bienfaits divins et qui représente un présent de Dieu. Si nos actes de dévotion, nos œuvres pies nous font croire que nous valons mieux que les autres et deviennent ainsi une cause d’orgueil et d’arrogance, cela est complètement erroné. En fin de compte, toute chose recélant en elle un ressenti de “Moi” n’a aucune valeur auprès de Dieu, quand bien même elle se présente sous une apparence spirituelle. Le monde et la matière ressemblent au feu, la spiritualité à l’eau. La vie ne peut se perpétuer sans l’existence des deux. Le feu peut brûler, mais l’homme peut aussi se noyer dans l’eau. Mais nous ne restons pas à l’écart du feu et de l’eau sous prétexte de leur dangerosité ; nous les utilisons à bon escient et de manière réfléchie pour poursuivre notre existence. Il s’agit donc pour nous d’avoir une posture solide grâce à la spiritualité sans placer la matière au cœur de notre vie.

Vous êtes à la tête de la confrérie soufie mevlevi, fondée par Rûmî et célèbre pour ses derviches tourneurs et leurs danses sacrées. Avez-vous rencontré des difficultés intérieures quand vous avez reçu cette fonction spirituelle ? L’acceptation fut-elle facile ? 

Ma responsabilité spirituelle me fut confiée par mon vénérable maître. Je me suis efforcée dans la mesure de mes capacités à suivre les traces de Rûmî et de mon maître en veillant à ne pas sortir de la voie de l’Amour divin. En raison d’une conception déformée des choses, les femmes se doivent d’assumer ce genre de responsabilité, généralement dévolues aux hommes, en faisant preuve d’une exigence accrue. Je m’efforce de cheminer sincèrement sur la voie de l’Unicité divine et de contribuer à l’édification de la paix, de la fraternité et de l’unité dans la société. Si l’on comprenait l’Islam convenablement, on pourrait alors se rendre compte qu’il ne fait pas de distinction entre homme et femme. Le Prophète a dit : “L’homme et la femme sont comme les dents d’un peigne.”. Le Coran dit : “Le meilleur des hommes est celui qui est le plus proche de Dieu.”. Cette différenciation homme-femme est une conception propre à l’être humain. Le Créateur suprême n’a pas fait une telle distinction parmi ses créatures et les nomme tous “être humain”. Hormis les caractéristiques physiologiques et biologiques, cette distinction entre homme et femme, et cette croyance selon laquelle seul l’homme est digne d’endosser des responsabilités spirituelles ne reflètent aucunement la pensée islamique. N’ayant jamais attendu une reconnaissance de quiconque, il s’ensuit que je n’ai pas non plus éprouvé une quelconque difficulté. Rûmî dit : “Les prophètes et les personnes qui ont des responsabilités spirituelles assument leur mission avec sincérité. Ils font peu de cas de ce que peuvent penser les gens à leur sujet”. Car le service spirituel est avant tout une affaire de cœur : il doit être agréé par le Créateur et non par la créature ! Voilà pourquoi les amoureux de Dieu œuvrent uniquement pour Dieu et souhaitent que leur action soit agréée par Lui.

Rûmî utilise l’image du ney, cette flûte traditionnelle du Proche-Orient, et du souffle qui le traverse pour produire une musique. En quoi cette image peut-elle être utile pour comprendre la condition humaine, la vocation de l’homme ? Et pour comprendre aussi la nécessité de purifier l’âme et le cœur pour permettre au souffle divin de nous traverser ?

Mevlânâ Jalâl ud-Din Rûmî commence son œuvre mondialement réputée du Mesnevi en disant : “Écoute le ney”. Tous les exégètes du Mesnevi s’accordent à dire que le “ney” désigne ici un grand saint héritier du Prophète, c’est-à-dire la parole, l’entretien spirituel d’un Homme Parfait destiné à avertir et à guider les gens. La plus grande responsabilité dévolue à l’homme en ce monde est de se connaître soi-même et donc de connaître son Créateur au sens véritable du terme. Étant donné que même l’apprentissage d’un métier ordinaire ne peut s’accomplir sans l’éducation d’un maître, comment peut-on dès lors s’imaginer qu’une éducation spirituelle puisse se réaliser sans être sous l’égide d’un maître ? Pour cette raison, nous avions déjà souligné plus haut que le maître spirituel est incontournable dans la voie du perfectionnement spirituel. Ce voyage spirituel qui a lieu de nous-mêmes vers nous-mêmes requiert d’incarner avec une grande sincérité et un grand sérieux les choses que nous avons apprises de notre maître symbolisé par le “ney”. Car nous sommes comptables des connaissances qui nous ont été transmises. Ce qui importe auprès de Dieu, ce n’est pas l’ampleur de nos connaissances, c’est de vivre avec foi les choses que nous savons. La quête d’un savoir inconnu, qui n’incarne pas au préalable dans notre existence ce que nous savons, allonge et rend plus difficile notre cheminement spirituel !

En s’engageant sur la voie soufie (ou toute autre voie spirituelle), on grandit en lucidité. Mais parfois certaines confusions, et illusions sont persistantes, plus difficiles à déceler. Comment dégager sa vie de ces opacités et parasitages qui peuvent devenir de véritables impasses ?

Il y a une seule chose ici-bas sur laquelle nous ne devons pas avoir de certitude, il s’agit des égarements causés par notre âme charnelle. Cette dernière prend l’apparence d’un ver de terre, mais elle peut devenir un dragon invincible lorsqu’elle trouve une occasion opportune. Elle semble être un ange immaculé, mais renferme en elle un énorme Satan. C’est là une situation habituelle. C’est pourquoi un soufi ne doit jamais penser et vivre en étant égocentrique. Il ne doit jamais être sûr de son âme charnelle.

Mevlânâ Jalâl ud-Din Rûmî a dit : “Lorsque les pensées assaillent l’homme comme une nuée d’abeilles, il doit sur-le-champ plonger dans l’eau.”. L’eau symbolise ici l’invocation de Dieu. Celle-ci rapproche l’homme de son Créateur et crée un puissant lien d’amour et d’attachement. Et l’homme qui est proche de son Seigneur est affranchi de toutes sortes de maux et de tourments.

Pour cette raison, le Coran dit : “Les cœurs s’apaisent avec l’invocation de Dieu.” et “Si tu es victime d’une suggestion diabolique, cherche refuge auprès de Dieu.”. L’invocation est la forteresse de Dieu. Celui qui y prend refuge sera délivré. L’invocation de Dieu ne se limite pas seulement à la répétition continuelle de certains Noms divins. Toutes les œuvres pies qui nous rapprochent de notre Seigneur sont des invocations de Dieu. L’attachement sincère d’un soufi envers son maître spirituel, la vigilance extrême dont il fait preuve pour accomplir ses responsabilités spirituelles sont de nature à le préserver des pensées confuses. C’est d’ailleurs là le but premier du rattachement auprès d’un Maître spirituel.

Propos recueillis par Nathalie Calmé

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