Evrad, pluriel du mot Wird, est un mot arabe qui désigne une série de prières, regroupées pour la récitation quotidienne. A l’origine, ce mot désigne également une source d’eau rafraichissante. Comme l’eau qui nous désaltère le corps, ces prières sont le fluide qui nourrit l’âme et nous assure la subsistance spirituelle.
Chaque ordre soufi a son Wird. Le disciple reçoit son Evrad au moment de l’initiation, avec une autorisation formelle de son Cheikh – en turc Evrad icazeti – souvent écrite, qui l’inscrit ainsi dans une lignée et lui donne les recommandations pour la lecture ou récitation des prières : la régularité est une condition indispensable dans la pratique du disciple. En effet, la lecture de l’Evrad est un lien manifeste entre chaque disciple à sa lignée. Elle lui assure ainsi quotidiennement un soutien spirituel, une protection et une ouverture vers le monde par le biais de la grâce portée par les prières qui la composent.
Il est recommandé de faire la lecture de l’Evrad préférentiellement les matins, après la prière de l’aube. Il s’agit de le faire dans l’unique but de satisfaire Dieu.
Sur la voie Mevlevî, l’Evrad est constitué des prières inscrites dans la religion musulmane et qui étaient récitées par Hz. Mevlânâ lui-même. Il est des sources historiques qui attestent de la pratique du Pîr de la lignée, la source principale étant Mevlânâ lui-même ainsi que Shams al-Dîn ‘Ârefî dit Aflâkî. – شمسالدین احمد افلاکی. Rûmî respectait scrupuleusement la sunna, disait les prières requises après la prière rituelle (Ayat al Kursi, 2 :255) et les tasbihat. Mais l’Evrad avait une importance majeure dans sa pratique. A ce titre, Mevlânâ écrit ainsi dans une de ses odes :
در آرزوی صباح جمال تو عمری
جهان پیر همیخواند هر سحر اوراد
Par désir d’atteindre le matin de ton beau visage, une vie durant,
cette vieille terre lit l’Evrad à chaque aube.
(ode 929)
Il expose aussi longuement dans le Fihi Ma Fihi les bénéfices de la lecture de l’Evrad, le Wird des saints : il s’agit de célébrer les âmes, les anges purs, ceux que seul Dieu peut connaitre – car Dieu est très jaloux et pour cette raison Il en cache même le nom aux gens. Et oui, ils viennent et les saluent… Vous vous êtes déjà assis à leur côté, mais vous ne pouvez pas les voir, vous ne pouvez entendre ces mots, ces salutations, ces sourires… Ceux qui connaissent les subtilités des états des saints, le visiteur qui comprend leur grandeur, sait que beaucoup d’anges et d’âmes pures viennent en leur présence à l’aube ; pendant la lecture de l’Evrad… tous les matins ils doivent réciter l’Evrad… Dans le Mathnawî (Livre III verset 349), Mevlânâ écrit :
چون تو وردی ترک کردی در روش
بر تو قبضی آید از رنج و تبش
Quand tu as négligé une partie d’un Wird sur la Voie,
alors t’advient un sentiment de « resserrement », brûlant et pénible.
Il est vraisemblable que l’Evrad Mevlevî tel que nous le connaissons, a été composé au XVème ou XVIème siècle, à l’époque où la cérémonie du Sema et le service en cuisine ainsi que les règles de bienséance – Adep en turc (Adab ادب en persan) autrement traduit par politesse spirituelle – ont été établies dans l’ordre. Le plus vieil exemplaire connu de l’Evrad Mevlevî date du XVIIe siècle.
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