▲ Mausolée de Hz. Mevlânâ à Konya – Photo : Catherine Touaibi
Poète mystique, éminent théologien, juriste et docteur de la loi musulmane, Mohammad Jalâl al-Dîn Rûmî محمد جلال الدین رومی est considéré encore aujourd’hui comme l’un des plus grands penseurs et maîtres spirituels de tous les temps. On l’appelle Mawlânâ en persan ou Mevlânâ en turc, c’est-à-dire notre maître.
Il est connu partout dans le monde comme le Sultan de l’Amour ou le Sultan des Amoureux, tant ses poèmes chantent l’amour inconditionnel et trouvent un écho universel au-delà du temps et de l’espace : Rûmî est lu, médité et commenté depuis le XIIIème siècle avec la même ferveur, non seulement dans le monde musulman, mais bien au-delà, en Orient comme en Occident.
Bien que datant du XIIIème siècle, on connait avec une assez grande précision les détails de la vie de Hz. Mevlânâ, sa famille et ses descendants. Comme pour des princes et des personnalités importantes de l’époque, les anecdotes les plus marquantes de sa vie sont minutieusement consignées et rapportées par les hagiographies de l’époque. De son vivant, les principales sources sont l’hagiographie de Ferydoûn ben Ahmad Sepahsâlâr dans Les saints des derviches tourneurs (traduit en français par Clément Huart) et celle de Shams al-Dîn Â’refî dit Aflâkî. Après sa mort, son fils Sultân Walad relatera aussi ses propres souvenirs dans son Ibtidâ’ nameh. De nos jours, on peut trouver encore des traces vivantes de l’histoire de Hz. Mevlânâ Rûmî en Turquie : sa demeure, sa madrasa (de l’arabe مدرسة qui veut dire école), les sépultures de ses maîtres, de sa famille et de toute la lignée de ses descendants. Comme source fiable, il y a aussi les archives de l’ordre des Mevlevîs précieusement conservées par une transmission minutieuse et sacrée de cheikh en cheikh. On connait avec minutie non seulement sa vie mais aussi son enseignement, les détails précis de sa propre pratique religieuse et spirituelle (prières, jeûnes, Semâ) et les conditions dans lesquelles il a produit les deux œuvres majeures que sont le Mathnawî et le Dîvân-e Kabîr.
C’est en nous appuyant sur l’ensemble de ces sources que nous vous invitons à nous suivre sur les traces du grand Hz. Mevlânâ Rûmî.
◀︎ Plus vieille miniature connue à ce jour, représentant Hz. Mevlânâ Rûmî
Rûmî est né à Balkh au début du XIIIème siècle, dans le Khorâsân, actuel Afghanistan. Sa date de naissance n’est pas précise : la tradition le fait naître en 1207 mais des faisceaux d’indices temporels semblent concorder pour établir sa naissance plus tôt, vers 1201/1203. Ses hagiographes donnent la date du 6 Rabi Ier, c’est-à-dire le 30 septembre.
Ses ancêtres sont tous des nobles de la région et des érudits remontant, dans la lignée paternelle, au premier Calife de l’Islam, Abu Bakr A’bd Allâh ibn ʿAbî Quḥâfa (en arabe أَبُو بَكْرٍ عَبْدُ ٱللهِ إبْنِ أَبِي قُحَافَةَ).
Le père de Rûmî, Mohammad Bahâ al-Dîn Walad محمد بهاءُالدین وَلَد, est un grand savant théologien, surnommé Sultân al-U’lamâ’ سلطان العلماء, c’est-à-dire le sultan des savants. Bien que de noble lignée, il préfère se consacrer à la science divine. Il reçoit l’enseignement des plus grands théologiens et ulémas du Khorâsân. Il est reconnu pour sa sagesse, son amour de la Vérité et sa droiture. On lui attribue des disciples parmi les plus grands noms de l’époque, des nobles de haut-rang, ainsi que des savants et les saints reconnus qui parcouraient la région pour venir entendre ses prêches et ses enseignements, lui demander conseil et le prendre pour maître. Toutes les chroniques de l’époque donnent des anecdotes témoignant de son éthique irréprochable, son exemplarité, l’amour avec lequel il traitait ses semblables et le respect que tous lui vouaient. Il fut un modèle pour celui qui deviendra plus tard le grand saint Hz Mevlânâ حضرت مولانا.
La mère de Rûmî est également d’origine noble et d’une famille pieuse qui descendait du dernier Calife de l’Islam Hz. A’lî ibn Abî Ṭâlib عَلِيّ بْن أَبِي طَالِب. On la connait sous le nom de Mümine Khâtûn مؤمنه خاتون et on la décrit comme digne de porter son nom (Mümine signifie croyante) : elle était de noble descendance et de caractère. D’elle naquirent 3 enfants : l’aîné, A’lâ al-Dîn Mohammad علاءالدین محمد, le cadet, Mohammad Jalâl al-Dîn dit Mevlânâ surnommé Rûmî مولانا محمد جلال الدین رومی et une sœur benjamine Fatima Khâtûn فاطمه خاتون qui était aussi connue pour sa science et son noble caractère.
Les premières années de la vie de Rûmî se passent sur les routes, en visite dans les lieux saints et à la rencontre des grands maîtres de l’époque. Pour fuir l’invasion Mongole qui est imminente, Mohammad Bahâ al-Dîn Walad décide en effet de quitter Balkh (1) dans le Khorâsân avec sa famille, alors que Rûmî est encore très jeune. Accompagnés de certains disciples du Sultân al-U’lamâ‘, ils prennent la route vers l’ouest, s’arrêtant de ville en ville et visitant les lieux saints et les grands maîtres de l’époque. Le périple durera plus de 9 ans, avant que la famille ne s’installe définitivement en Anatolie.
Partout où ils passent, la réputation du Sultân al-U’lamâ‘ les a précédés et ils sont accueillis par la foule qui attend leur arrivée. Les rois et princes locaux les invitent à rester dans leurs palais et offrent des postes importants au père de Rûmî afin de le retenir tant ses prêches et ses enseignements sont appréciés. Mais par respect de l’Adab (Edep en turc), c’est-à-dire par éthique et politesse spirituelle, Bahâ al-Dîn Walad insiste toujours pour demeurer dans des madrasa – l’équivalent des séminaires pour les musulmans – et ne reste jamais plus de 3 jours dans une même ville.
La première grande étape de leur voyage se passe à Nishapour (2) (ces numéros correspondent au numéro sur le plan ci-dessus), où Rûmî et son père rencontrent le grand maître et poète mystique Farîd al-Dîn Abûhâmed Mohammad A’ttâr فریدالدین ابوحامد محمد عطار نیشابوری (m. 1142) auteur du Cantique des oiseaux (photo ci-contre). A’ttâr reconnait déjà en Rûmî une grande maturité spirituelle et lui prédit un destin remarquable : J’espère que ton fils brûlera bientôt dans le brasier de l’Amour Divin et mettra le feu à tous les cœurs aurait-il dit à Mohammad Bahâ al-Dîn Walad, avant d’offrir son livre intitulé Asrâr nameh, le livre des secrets, à Rûmî, qui s’en inspirera notamment dans son oeuvre majeure, le Mathnawî. Rûmî reconnait explicitement, son lien de filiation spirituelle avec A’ttâr :
عطار روح بود و سنایی دو چشم او
ما از پی سنایی و عطار امدیم
« A’ttar était âme et Sanâï ses deux yeux;
Nous, nous suivons leurs traces»
Après Nishapour, la famille de Rûmî s’arrête à Baghdâd (3) où le Sultân al-U’lamâ’ accepte de donner un prêche dans la plus grande mosquée de la ville et y fait sensation. On dit qu’il y avait tant de personnes rassemblées pour le prêche qu’il n’y avait pas de place pour s’assoir. Malgré l’insistance des Califes de la ville, qui envoyèrent de l’or, des chevaux, des suppliques et pleurèrent pour retenir le Sultân al-U’lamâ‘ (détails rapportés par les chroniques de l’époque), celui-ci par éthique, refuse toutes les propositions et la famille quitte Baghdâd pour la Mecque (4) où ils effectuent le pèlerinage rituel.
Ils reprennent la route pour Médine (5), la ville lumière du Prophète, où ils visitent sa tombe et lui rendent un hommage profond et sincère. Puis après plusieurs étapes, ils arrivent à Jérusalem (6) où ils visitent la mosquée d’Al-Aqsâ, la première Qibla (Direction) de l’islam.
De la Ville Sainte, ils vont à Damas (7), puis Alep (8) et arrivent enfin sur les terres anatoliennes. De Malatya (9) où ils font une brève halte, ils prennent la route pour Larende (14), actuelle Karaman, en passant par Erzincan (10), Sivas (11), Kayseri (12) et Niğde (13). Ils se plaisent beaucoup à Larende et y restent pendant 7 ans. Il s’agit de leur plus longue étape depuis leur départ de Balkh. C’est là que Rûmî se marie et voit naître ses deux premiers fils. C’est aussi à Larende que Rûmî perd sa mère bien-aimée et son frère aîné, à peu de temps d’intervalle l’un de l’autre, juste après son mariage. Ils reposent tous les deux à la mosquée Ak Tekke Camii où on peut encore voir leur sépulture (photos dans la galerie, ci-contre)
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▲ Mausolée d’A’ttar à Nishapour
▲ Mosquée d’Al-Aqsâ
Dessin anonyme – env. 1200
▲ Ak Tekke Camii – sépultures de la mère et du frère de Hz. Mevlânâ
▲ Ak Tekke Camii – sepultures de la mère et du frère de Hz. Mevlânâ Rûmî
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Mais Larende n’est pas la destination finale pour la famille. A l’époque, l’Anatolie fait partie du sultanat seldjoukide de Rum. Ferydoûn ben Ahmad Sepahsâlâr nous raconte que le souverain seldjoukide de la région, Sultân A’lâ al-Dîn Kayqubâd ou Kaykubad, voyant le Sultân al-U’lamâ‘ prendre résidence à Larende, non loin de ses terres, s’offusque qu’il ne vienne pas prêcher dans sa Capitale Konya (15). Il se plaint à Amir Moussa, le sultan de Larende, lui reprochant de retenir ce saint prédicateur.
Or il s’agissait là d’une décision de Mohammad Bahâ al-Dîn Walad lui-même, qui ne souhaitait pas vivre dans une ville dont le sultan faisait montre d’un manque de piété notoire. Afin d’éviter un conflit entre les deux villes, le Sultân al-U’lamâ‘‘ conseille à Amir Moussa de se rendre à Konya et tout expliquer au Sultân Kaykubad. Ému par tant de franchise et la justesse des paroles rapportées par Amir Moussa, le Sultân A’lâ al-Dîn Kaykubad se voue à l’amour de la Vérité et promet qu’il deviendra un disciple du Sultân al-U’lamâ‘si celui-ci consent à le rejoindre à Konya pour y vivre et y enseigner. Touché par la sincérité du Sultân Kaykubad, le Sultân al-U’lamâ‘ accepte sa proposition et la famille reprend la route une dernière fois pour s’installer définitivement à Konya au printemps 1229.
L’arrivée dans la Capitale du sultanat de Rum, est racontée de façon précise par les chroniqueurs : le sultan A’lâ al-Dîn Kaykubad, venant à la rencontre de son maître à la porte de la ville, l’accueille et l’accompagne à l’intérieur de la ville en marchant à côté de son cheval en signe de déférence et d’attachement. Toute la ville est venue voir cette arrivée royale et cette scène mythique d’un sultan à pied, marchant à côté de son maître à cheval. Il ne fallut pas longtemps, nous raconte Sultân Walad dans son Ibtidâ’ nameh ابتدانامه, pour que toute la ville devienne disciple de son grand-père.
À Konya la famille habite d’abord dans la madrasa d’Altun Aba (actuel İplikçi Camii ve Medresesi – cf. Photo ci-contre), puis à Gühertaş Medresesi, un édifice que l’Émir Gevhertaş (ou Gühertaş), le page du sultan seldjoukide a fait construire pour le Sultân al-U’lamâ‘ dont il est lui-même disciple. Ce sera la demeure de Rûmî jusqu’à sa mort. Gühertaş Medresesi, aussi appelé Molla-i Atik Camii ve Medresesi a existé jusqu’au début du XXème siècle. Aujourd’hui il ne reste aucune trace de cet édifice, dont certains chercheurs pensent avoir trouvé l’emplacement exact récemment.
Rûmî s’est marié deux fois et a eu 4 enfants de ses 2 épouses.
Son premier mariage a eu lieu au printemps 1225, à Larende, où Rûmî sur les conseils de son père épouse Gauhar Khâtûn گوهرخاتون, la fille digne de Sharaf al-Dîn Lâlâ de Samarcande, un des disciples du Sultân al-U’lamâ‘. De ce mariage naissent deux fils : l’aîné, Sultân Walad, nommé ainsi en l’honneur de son grand-père, et le cadet, A’lâ al-Dîn Tchelebi en l’honneur de son défunt oncle, frère aîné de Rûmî, mort peu de temps avant sa naissance.
L’année de leur arrivée à Konya, Rûmî perd son épouse Gauhar Khâtûn (m 1229). Plus tard, il se remarie avec Kira Khâtûn کراخاتون, d’origine turque, elle aussi veuve et déjà mère d’un garçon – Shams al-Dîn Yahya. D’elle naîtront deux autres enfants : un fils – Mozaffar al-Dîn Âmîr Âlem Tchelebi مظفرالدین امیرعالم چلبی – et une fille – Malike Khâtûn ملکه خاتون. Kira Khâtûn survivra une vingtaine année à son saint époux.
C’est donc dans un contexte de piété et d’amour de la Vérité (Dieu) que Rûmî grandit, avec comme modèle une figure paternelle renommée, aimée et respectée par tous pour sa droiture et sa justesse. A l’arrivée à Konya, Rûmî a une vingtaine d’années. Il devient le disciple de son père dont il suit l’enseignement à la mosquée A’lâ al-Dîn (Alâeddîn en Turc) qui existe toujours à Konya, dans la forteresse d’Alâeddîn Külliyesi et est actuellement l’une des plus vieilles mosquées de la ville.
Deux ans après leur arrivée à Konya, le Sultân al-U’lamâ‘ tombe soudainement malade. Le troisième jour de sa maladie, au petit matin, son âme quitte ce monde éphémère. C’était le 12 janvier 1231- 18 Rabi’ul Âkhir 628. Toute la noblesse de la région assite à ses funérailles. Le sultan Kaykubad lui-même fut de ceux qui portèrent le cercueil à l’emplacement que le Sultân al-U’lamâ‘ avait choisi. Dévasté par la perte de son maître bien-aimé, le sultan seldjoukide met son trône en berne pour une semaine et pendant 40 jours, personne ne monte à cheval en signe de deuil. Un an après sa mort, on construit un humble tombeau à l ’emplacement de la sépulture du Sultân al-U’lamâ’. Ce n’est qu’après la mort de Rûmî qu’en hommage au père et au fils, enterrés côte à côte, on érige le mausolée majestueux qu’on peut toujours visiter à Konya (cf. photos ci-contre et infra). Depuis Suleimān le Magnifique, le tombeau du Sultân al-U’lamâ‘ est recouvert d’un sarcophage en noyer gravé qui a été réalisé à l’origine pour Rûmî. Pur chef d’oeuvre de l’art seldjoukide, y sont gravés des versets du Coran ainsi que des vers sublimes des odes mystiques et du Mathnawî (voir infra).
Bien qu’encore très jeune, la maturité spirituelle de Rûmî est déjà reconnue et à la demande des disciples du Sultân al-U’lamâ‘, il reprend la suite de son père et commence à enseigner. Mais, avec la mort de son père, il a perdu aussi un maître. Il a besoin d’un guide pour l’aider à porter les lourdes responsabilités qui lui incombent désormais comme chef de famille et enseignant spirituel. Il trouvera son maître un an après ce triste deuil en la personne de Seyyed Borhân al-Dîn Mohaqqaq Tirmidhî سید برهان الدين محقق تِرمِذی, un des disciples de son père, qui arrive tout droit de Balkh.
En apprenant sa venue, Rûmî se réjouit. Il s’agit en fait de celui que le Sultân al-U’lamâ‘ avait chargé de l’éducation de son fils quand ils étaient encore dans le Khorâsân. Rûmî retrouve donc son maître d’enfance, et le lien enseignant-disciple se reconstruit. Le Cheikh Tirmidhî entreprend de consolider les savoirs de son élève en matière de Sharia et de religion. Ainsi, il l’envoie 2 ans à Alep et 4 ans à Damas pour y approfondir ses connaissances dans des madrasa réputées, recevant l’enseignement des érudits les plus renommés de son temps, comme le maître Kamâl al-Dîn ibn al-A’dîm كمال الدين ابن العديم (m. 1262), célèbre savant ès lois islamiques. Ce sont des années d’approfondissement et de formation, qui permettent à Rûmî de devenir un grand uléma et rencontrer les savants de son époque.
À son retour de Damas, le Cheikh est heureux de constater la maturation de son disciple. Rûmî est tout à fait prêt à assumer ses rôles à Konya. Mais l’essentiel de son éducation n’est pas le fruit des heures passées sur les bancs des madrasa. Il le doit à son père et premier maître, qui a été un exemple pour lui. Il a pu l’observer de près dans l’exercice de ses divers rôles familiaux et sociaux. D’ailleurs le Cheikh le lui signifie clairement : Ta connaissance est hors pair ; tu es exceptionnel ; mais ton père avait une envergure spirituelle. Quitte donc le verbe et travaille pour parvenir, toi-aussi, à cette dimension spirituelle. Ne te contente pas d’être l’héritier du savoir qu’il t’a transmis, mais sois aussi l’héritier de sa face spirituelle. Comme le soleil, éclaire le monde, pour montrer la voie à ceux qui sont restés dans l’obscurité, ceux qui sont sortis du chemin Mohammadien.
Le Cheikh reste donc encore quelques années avec Rûmî pour l’aider à parfaire sa dimension spirituelle. Vient le jour où il sent sa mission accomplie et il décide de quitter Konya. Rûmî s’attriste et demande les raisons de ce souhait, car il aimerait garder son maître près de lui. Mais le Cheikh Tirmidhî lui répond alors : À Konya est apparu un lion puissant. Je suis moi aussi un lion. Il ne peut y avoir deux lions dans la même ville. Le moment est venu de nous quitter. Alors Rûmî, à regret, mais se rendant à l’évidence, accompagne son maître jusqu’à Kayseri, où celui-ci passera les quelques mois qui lui restent à vivre. Le Cheikh quitte ce monde en décembre 1241.
Quand le Cheikh Tirmidhî rejoint l’éternel, Rûmî a une quarantaine d’année. Comme son père, il enseigne dans la madrasa et donne des entretiens spirituels pour ses étudiants et les chercheurs de Vérité. En même temps il devient guide spirituel pour les derviches et les amoureux de Dieu. Il est le nouveau sultan des savants et un grand maître soufi de son temps. Rûmî, en persan veut dire qui est de Rum. Comme beaucoup de cheikhs, il est identifié par le lieu où il a élu demeure et où il officie : la capitale du sultanat seldjoukide de Rum. Mais il n’est pas encore le grand saint que nous connaissons. Sa réalisation, le perfectionnement de sa station spirituelle, il la doit à la rencontre avec un certain Shams al-Dîn de Tabrîz شمس الدین محمد تبریزی, un inconnu, qui arrive à Konya pendant l’hiver 1244.
Shams est un soufi qui arpente les routes de la région à la recherche d’un maître. Il écrit dans les Maqâlât : je suis parti de Tabrîz pour trouver un cheikh. Je ne l’ai pas encore trouvé. Mais l’univers n’est pas vide, bien sûr qu’il y en a un. Mais il a atteint l’âge honorable de soixante ans. Il a une station spirituelle très élevé : Sepahsâlâr le décrit comme Moïse dans sa relation à Dieu et comme Jésus, intériorisé et solitaire, dans sa façon de vivre. Il lui prête des extases dépassant les limites de la perception humaine et le qualifie d’amoureux absolu de l’éternel.
Avec cette stature spirituelle, il exige une perfection spirituelle absolue des enseignants spirituels et pour cette raison il a du mal à trouver celui qu’il cherche. D’après ses propres écrits à Tabrîz dont il est originaire, il était le disciple d’une certain Cheikh Abu Bakr, dont il dit avoir beaucoup appris mais qui ne voyait pas ce qu’il y avait à l’intérieur de [lui]. Il a le don de voir la part d’ombre de chacun et ne pardonne pas l’inconscience de cette part chez celui qui la porte. Il n’hésite pas à confronter ceux qu’ils rencontre à leurs propres limites et défauts s’attirant ainsi beaucoup d’inimitiés. Il disait de ceux qui osent s’appeler maître alors qu’ils n’ont pas atteint la perfection spirituelle ultime : ce sont les bandits de grand chemin sur la voie de la religion de Hz. Mohammad (sur lui les salutations et la paix). Il est probable que Shams ait reçu la vocation de la quête de l’homme parfait et l’annonce d’une telle rencontre dans une vision mystique. Cette rencontre, il cherche à la provoquer en parcourant ainsi la région et c’est ainsi qu’il arrive à Konya où il a entendu parler de Rûmî et de l’amour que lui portent ses disciples.
Le récit de la rencontre entre les deux saints compte différentes versions. Selon la plupart, cela se passe dans la rue, de façon inattendue. Les deux hommes ne se connaissent pas et Shams aborde Rûmî en lui posant une question en guise de test. Ce n’est pas tant le contenu de leur conversation qui est remarquable que ce qui se passe entre eux dans le non manifesté. A la fin de cet échange, les deux hommes ne se quittent plus. Shams a compris qu’il fait face à celui qu’il cherchait, et Rûmî reconnait une théophanie en Shams. Commence alors une amitié qui dans le subtil perdure dans l’éternité, et qui dans le manifesté dure les 3 ans de la présence de Shams à Konya, avant qu’il ne disparaisse.
Les circonstances de la disparition de Shams restent mystérieuses encore aujourd’hui. À Konya, une relation mystique très forte, sincère, loyale et exclusive s’établit entre les deux grands saints, induisant des changements drastiques qui ne sont pas du goût de tous : Afin que Rûmî accède à la véritable sagesse du coeur, qui ne s’apprend pas dans les livres, Shams le détourne de la lecture. Ainsi Rûmî ne touche plus à aucun livre, lui que l’on voyait constamment lire avant. Shams cherche à rapprocher Rûmî au plus près de Dieu, en le privant de ce qui le retient séparé du Très-Haut. Rûmî effectue plusieurs Khalwâ خَلْوة ou Khalvat خلوت – ie. des retraites spirituelles, supervisées par Shams, se rapprochant ainsi de Dieu mais s’éloignant de ses disciples, devenus mécontents.
À ces changements s’ajoute la personnalité clivante, cinglante de vérité et protectrice de Shams qui dans son exigence d’éthique absolue, met chacun face à ses contradictions, s’oppose aux usages établis avant son arrivée et filtre l’accès à Rûmî. Ainsi, on raconte que quand les visiteurs se présentaient à la porte de la madrasa, ils y trouvaient Shams qui leur demandait : quel présent avez-vous apporté en guise de prière ou remerciement ? Montrez-le-moi et je vous montrerai Mevlânâ. Il exaspérait tout le monde par ses manières directes et sans filtre. A tel point qu’un jour un des disciples de Rûmî lui rétorque : Et toi qu’as-tu apporté pour oser réclamer que l’on apporte aussi quelque chose. Et Shams de répondre : Je me suis apporté moi-même. J’ai sacrifié ma tête pour lui.
Beaucoup ne comprennent pas l’attachement de Rûmî à Shams. Ils ne voient pas ce qu’il lui trouve de bien alors que de leur côté ils ne voient aucun bienfait chez Shams. D’autres ont peur de sa puissante manifestation de sainteté – Karâmat. Nombreuses sont les anecdotes qui parlent de son aura surnaturelle, et de sa proximité avec le divin : un seul de ses mots suffit pour ouvrir les yeux des incroyants et les ramener sur la Voie Droite, celle de l’Unique. On dit qu’avec lui, Rûmî accède à des vérités jamais entendues et jamais vues auparavant, mais qui restent inaccessibles à leur entourage. Sepahsâlâr rapporte ce que Rûmî aurait dit de sa rencontre avec Shams : lorsque Shams al-Dîn me posa cette question (N.D.A. lors de leur rencontre, cf. plus haut), je vis une fenêtre s’ouvrir en haut de ma tête, et une fumée s’en éleva jusqu’au sommet du Trône immense (cf. Saint Coran, Sourate II verset 255).
Il n’en fallait pas plus pour que beaucoup nourrissent de l’envie et de l’inimité envers Shams. Sultân Walad en parle explicitement dans son Ibtidâ’ nameh. Shams lui-même le sait et le sent. En février 1246 il quitte Konya sans dire un mot. Rûmî est profondément attristé par ce départ et Sultân Walad raconte qu’il n’accorde plus aucun regard aux responsables de ce départ, jusqu’à ce qu’ils expriment remords et regrets. Alors il leur accorde son pardon. Après plusieurs mois, Rûmî reçoit une lettre de Damas signée de Shams, qui lui dévoile ainsi où il réside. Commence alors une correspondance de plusieurs mois, dont il nous est parvenu quatre lettres écrites en vers de la propre main de Rûmî.
Après plusieurs mois, Rûmî n’y tenant plus, envoie Sultân Walad, également disciple de Shams, pour le ramener à Konya. La mission est accomplie puisqu’au printemps 1247, une nouvelle fois, Shams honore de sa sainte présence la ville de Konya. Pendant un temps, la haine et la rancœur semblent éteintes, les véhéments adoucis et au regret des actes passés. Les relations semblent apaisées. Mais très rapidement les inimitiés reprennent de plus belle et cette fois, Shams disparait définitivement en décembre 1247.
Sultân Walad décrit ainsi son père après le départ de Shams : Le Cheikh [Rûmî] a presque perdu la tête avec la disparition [de Shams]. Le Cheikh qui rendait des fatwa (jugements religieux) devint un poète ardent d’amour divin. Il était un ascète et devint un échanson qui servait du vin qui ne vient pas du raisin. L’esprit qui appartient à la Lumière Sainte, ne boit rien sauf le vin qui appartient à la Lumière.
Rûmî se met à tourner jour et nuit dans une danse giratoire d’où s’élèvent l’expression de sa profonde douleur. Il distribue l’or et l’argent qu’il porte aux musiciens, et donne tous ses biens. A ceux qui lui disent qu’ils ont vu Shams, il leur donne sinon de l’argent, les habits qu’il porte. Ne pouvant se résoudre à cette perte, il va par deux fois jusqu’à Damas, sur plusieurs années, mais n’y trouve aucune trace de Shams. C’est l’occasion pour Rûmî de prendre conscience de la véritable unité divine – Tevhid (en turc) ou Tawhîd تَوْحيد (en arabe et persan) : Sultân Walad raconte que son père n’a pas trouvé Shams à Damas mais a vu que la vérité et le mystère de Shams s’étaient élevés en lui, comme la lune dans le firmament. Il dit alors : nous sommes éloignés physiquement de lui mais au-delà du corps et de l’âme, nous ne sommes qu’une même lumière. Que vous me voyiez moi, ou que vous le voyiez lui, ô chercheur de vérité, je suis lui et il est moi. De ces deux voyages, Rûmî revient avec nombre de disciples, qui le voyant chercher Shams avec une telle ferveur, lui vouent une admiration sans faille et lui reconnaissent un Amour pour le Divin jamais égalé dans l’humanité.
Cette période de quête donne quelques-uns des plus beaux poèmes de Rûmî sur la perte de l’être cher et la douleur de la séparation, qui rappelle la séparation originelle d’avec la Source, l’Essence, ce Bien-Aimé qu’est Dieu. Après plusieurs années de vaine recherche, arrive le temps de l’acceptation et du deuil. Et Rûmî s’élève spirituellement jusqu’à devenir le Hz. Mevlânâ Rûmî que l’on connait de nos jours.
L’histoire n’a pas élucidé le mystère de la disparition de Shams. Sultân Walad rapporte que le jour de la disparition, Shams se trouve auprès de Rûmî quand quelqu’un l’appelle au dehors. À partir de là, les versions divergent et prennent parfois des tournures épiques et légendaires. L’hypothèse d’un meurtre semble plausible et communément acceptée dans l’entourage de Hz. Mevlânâ. Shams aurait vraisemblablement été assassiné et jeté dans un puits, qui a été identifié du temps de Hz. Mevlânâ et au-dessus duquel a été construit une mosquée dédiée à ce grand saint. Encore aujourd’hui, nombreux sont ceux qui viennent prier Shams de Tabrîz dans cette mosquée. On peut lui rendre hommage ou l’invoquer devant une sépulture qui a été placée, en son honneur, à l’endroit exact où se trouverait l’entrée du puits où aurait été jeté son cadavre. Elle se trouve juste en face de l’entrée de la mosquée, à droite du Mihrab.
Certaines versions ne vont pas dans ce sens, et affirment que Shams aurait quitté Konya pour se protéger car il sentait sa vie menacée. Selon une des hypothèses, il serait retourné en Iran, pour s’installer dans la ville de Khoy, où il aurait fini ses nobles jours. On peut trouver aujourd’hui dans cette ville un monument funéraire dédié à Shams, qui serait son tombeau. Ce monument a été nommée Centre du patrimoine culturel mondial par l’UNESCO. On trouve également un tombeau de Shams à Multan au Pakistan où la communauté locale est convaincue que Shah Shams al-Dîn (le roi Shams al-Dîn) de Tabriz aurait honoré de sa sainte présence et sépulture leur ville.
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▲ Sépulture consacrée à Shams de Tabrîz à Konya
▲ Les autres tombeaux relatifs à Shams de Tabriz dans le monde (Iran, Pakistan)
▲ Les autres tombeaux relatifs à Shams de Tabrîz dans le monde (Iran, Pakistan)
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Il est difficile d’imaginer qu’un homme de Vérité comme Shams ait pu disparaitre volontairement sans laisser de traces derrière lui, pour aller honorer de sa sainte présence d’autres lieux et d’autres gens, en laissant Hz. Mevlânâ Rûmî et ses autres disciples faire un tel deuil. Ce départ n’était connu de personne, sinon pourquoi Rûmî serait-il allé par deux fois à Damas pour le retrouver ? Par ailleurs si Hz. Mevlânâ a cherché Shams à Damas, n’aurait-il pas pu le chercher jusqu’à Khoy également ? La stature spirituelle de Hz. Mevlânâ était connue de toute la région. Il est difficile d’imaginer que Shams ait pu vivre noblement à Khoy sans que personne ne l’en ait informé. La probabilité d’un départ volontaire et secret semble donc très réduite, même s’il est remarquable de voir que ce grand saint est honoré aussi vastement au Proche et Moyen-Orient, sans avoir laissé de traces écrites autres que le recueil de ses pensées prises en notes par ses disciples et publié sous le titre Maqâlât. Cet ouvrage est difficile à lire du fait d’une structure diffuse et de la présence de phrases incomplètes (il est en effet le résultat de prises de notes spontanées par différents disciples lors des entretiens avec Shams). Son contenu présente cependant des liens indiscutables avec l’oeuvre de Hz. Mevlânâ. L’ouvrage a été traduit en français et rendu plus accessible par les commentaires de Charles Henri de Fauchécour, un des plus éminents spécialistes européens de la langue et de la littérature persane classique, sous le titre La quête du Joyau.
Après la disparition de Shams, Hz. Mevlânâ Rûmî atteint un degré spirituel tel qu’il vit constamment des hâl, c’est-à-dire en état de connexion absolue avec le divin, par la prière et l’extase. Il manifestes souvent son hâl en dansant le samâ’, la danse giratoire méditative, et en déclamant des vers inspirés du Divin. Profondément touchés par la profondeur et la beautés des vers de Hz. Mevlânâ, de nombreux disciples, éminents théologiens et ulémas, demandent à recevoir l’enseignement du Maître. Certains d’entre eux, devenus ses proches collaborateurs, permettent que soient retranscrites les paroles d’une profondeur inégalée qui sortent de la bouche bénie du Sultan des Amoureux. C’est ainsi que sont composées deux des œuvres les plus importantes de la littérature mystique : le Mathnawî et le Dîvân-e Kabîr.
26 ans après Shams, Hz. Mevlânâ atteint le crépuscule de sa vie. À son épouse qui lui souhaite trois à quatre cents ans de vie pour apporter au monde sa dimension spirituelle, il répond : Et pourquoi donc ? Nous ne sommes ni le Pharaon, ni Nemrod, qu’allons-nous faire dans ce monde de poussière ? Il n’y a pas de paix ni de décret pour nous dans ce monde éphémère. Nous sommes retenu dans cette prison pour sauver d’autres prisonniers. Il est à espérer que nous rejoindrons bientôt le bien-aimé du Seigneur, notre Prophète. Nous retrouvons cette idée dans le distique suivant :
من از برای مصلت در حبس دنیا مانده ام
من از کجا حبس از کجا مال کرا دزدیده ام
C’est pour servir que je reste enfermé dans la prison de ce monde
Que ferais-je dans cette prison sinon ? Je n’ai volé le bien de qui que ce soit.
Conformément à son souhait, le corps fatigué de Hz. Mevlânâ succombe à une ultime maladie : la fièvre s’installe et ne lui laisse aucun répit. Les médecins ne quittent pas son chevet mais ne savent pas de quoi souffre le Maître. À ce moment-là, a lieu un important tremblement de terre qui détruit, sur plusieurs répliques, les demeures des habitants. Prenant peur, beaucoup accourent voir Hz. Mevlânâ pour avoir une prière de protection de sa part. Celui-ci leur répond : Ne craignez rien, la pauvre terre a faim, elle veut un met bien gras. Il faut le lui servir (NDLA faisant référence à lui-même). Il prodigue, alors, à ceux qui sont présents, ses derniers conseils : mangez peu, dormez peu, parlez peu, renoncez aux péchés, continuez le jeûne et la prière rituels, abstenez-vous de la luxure, endurez patiemment l’oppression et la souffrance infligées par vos prochains, évitez de fréquenter les êtres ignorants et libertins qui ne pensent qu’au plaisir, accordez-vous avec les hommes généreux, et entretenez-vous avec les hommes bons, et fréquentez-les. Ce sont là mes dernières volontés à votre attention. Car faire le bien, pour l’homme, consiste à apporter utilement son soutien à d’autres personnes. Et la parole bonne est celle qui est brève et essentielle. À ceux qui se lamentent pour lui et prie pour son rétablissement, Hz. Mevlânâ exprime ses remerciement mais leur dit : désormais il ne reste plus entre le Bien-Aimé et l’Amant que l’épaisseur d’une chemise faite de l’étoffe la plus fine. Ne voulez-vous pas que la lumière rejoigne la lumière ?
Le 16 décembre 1273, Hz. Mevlânâ se sent mieux. Il reçoit et s’entretient avec des visiteurs jusqu’au soir. On note juste que chacune de ses paroles ressemble à un legs. Le soir venu, ses proches sont près de lui. Il s’inquiète pour son fils Sultân Walad, amaigri et fatigué qui depuis des semaines ne quitte pas son chevet. Il lui demande d’aller se coucher car il se sent bien. Le fils s’exécute. Hz. Mevlânâ le voyant partir déclame une dernière ode que cette séparation lui inspire (cette ode est répertoriée sous le numéro 2039 dans la référence du Professeur Forûzânfar – ci-contre ces vers chantés par Mohammad-Reza Shajarian). À quelques pas de la mort, le Maître est bien conscient et trouve l’inspiration pour produire des vers d’une grande profondeur qui chantent encore l’Amour.
Sepahsâlâr nous raconte les dernières heures de Hz. Mevlânâ : son état de santé s’aggrave. Les médecins s’affairent, prennent son pouls, font leur possible pour comprendre ce qu’il se passe, donnent des remèdes. En vain. Ils ne parviennent pas à améliorer l’état du Maître. Il devient évident que la médecine de ce monde ne peut plus rien pour le Sultan des Amoureux. Impuissant, chacun laisse son ouvrage et se met à prier. Suivant les propres mots de Sepahsâlâr : Le dimanche 17 décembre 1273, à l’heure où le soleil se couche, le soleil des esprits, Hz. Mevlânâ Jalâl al-Dîn Rûmî se couche aussi sur ce monde et s’en va éclairer l’autre Royaume.
Le lendemain, le corps est exposé en place publique. Tout le monde est rassemblé pour lui rendre un dernier hommage. Les rues sont noires de monde. On trouve dans l’assemblée des personnes de toute origine et de toute religion. Après la prière qui donne lieu à des manifestations mystiques et ésotériques, le cercueil est enterré à la place qui lui a été réservée, auprès de celui du Sultân al-U’lamâ‘.
Depuis 1273, chaque année, le 17 décembre, ceux qui ont donné leur coeur à Hz. Mevlânâ Rûmî, les amoureux, célèbrent à Konya et ailleurs dans le monde des cérémonies de Samâ’ et de prières, la nuit de noces (« Shab-î Arûs ») de leur Sultan avec Le Bien-Aimé, c’est-à-dire l’union ou plutôt la réunion de Hz. Mevlânâ avec Son Seigneur.
▲ Galerie : Le Mausolée de l’extérieur à l’intérieur
▲Galerie : le Mausolée de Hz. Mevlânâ
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Dans les mois qui suivent le dernier voyage du Maître, On entreprend la construction d’un mausolée en son honneur. Le monument est commandé à l’architecte Badr al-Dîn de Tabrîz par l’émir Alameddin Kayser et Gürcü Hatun l’épouse de l’Emir Mu’în al-Dîn Parvâne معین الدین سلیمان پروانه vizir du sultanat de Rum. Le dôme est garni de faïence bleu-vert typique de l’époque seldjoukide et de la région de Konya.
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À l’intérieur, l’architecte A’bd al-Wahid confectionne un sarcophage de 2.65 mètres en noyer, pur chef d’œuvre de l’art seldjoukide, pour recouvrir la tombe de Hz. Mevlânâ. Y sont gravés des écrits d’une grande profondeur. En plus des versets tirés du Coran, et un texte en Arabe, présentant Hz. Mevlânâ Rûmî, on trouve des odes mystiques et des versets du Mathnawî choisis en accord avec Sultân Walad. Tous parlent de la mort, comme d’une libération. Ainsi l’ode mystique 911 ci-dessous, écrit sur une bande commençant sur l’avant et continuant sur le contour du sarcophage:
▲ Galerie :Des sépultures reposant dans le Mausolée
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Près de trois siècles plus tard, par ordre de Soliman le magnifique سلطان سليمان اول ce sarcophage est déplacé sur la tombe du Sultân al-U’lamâ‘ (cf. ci-contre et supra), qui se trouve à quelques pas derrière la tombe de Hz. Mevlânâ. A la place, on construit un sarcophage en marbre sur la tombe de Hz. Mevlânâ et de son fils Sultân Walad qui reposent côte à côte. Ces sarcophages sont recouverts d’un tissu brodé d’or qui a été renouvelé en 2022.
De nos jours, le mausolée, qui abrite désormais les sépultures de plus d’une cinquantaine de membres de la famille de Hz. Mevlânâ ainsi que celles de ses proches collaborateurs, est le deuxième site le plus visité de Turquie, après Topkapı (Istanbul).
▲ Mausolée de Hz. Mevlânâ à Konya
Les texte et citations de cette page sont essentiellement inspirés de Mevlâna Hayatı – Şahsiyeti – Fikirleri de Şefik Can,
ainsi que Des saints des derviches tourneurs de Ferydoûn ben Ahmad Sepahsâlâr (traduit en français par Clément Huart).
Les traductions qui n’ont pas de référence dans le texte, ont été réalisées par Aşkın Canları, administratrice du site