Hz. Mevlânâ n’a pas produit que des oeuvres écrites en vers. Il était régulièrement sollicité pour faire des sermons – on dirait rencontre ou conférence aujourd’hui – et pour clarifier ses enseignements. Ses disciples prenaient en note les mots du Pir qu’ils ont regroupées dans des ouvrages qu’on peut lire encore aujourd’hui.
Il s’agit de la principale œuvre en prose de Rûmî. Son titre signifie littéralement “Dans cela est ce qui est “. Le Pr. Ülken dans la Pensée de l’islam le traduit par “Tout y est“. Eva de Vitray Meyerovitch a traduit le titre par Le Livre du dedans.
Ces trois mots (Fîhi Mâ Fîhi – فیه ما فیه) seraient tirés d’un quatrain des Futûhâtil-Makkîya – كِتَابُ الفُتُوحَاتِ المَكِّيَّة d’Ibn Arabi, le grand poète mystique mort en 1240, que Rûmî a vraisemblablement rencontré. ces vers disent: « celui qui comprend la signification de ces mots, possède le joyau de la vie ».
Dans l’introduction de la traduction française, Eva de Vitray nous donne des informations précieuses sur cet ouvrage: le manuscrit le plus ancien se trouve Istanbul. Il est daté de 1316 (40 ans après la mort du Pir) et comporte 216 feuillets comprenant deux textes distincts : le Kerâb-e Fîhi Mâ Fîhi comprenant les entretiens de Rûmî et le Kitâb al-Ma’ârîf – La Parole Secrète – de Sultân Valad (le fils de Rûmî). C’est de ce premier manuscrit que date le titre de cet ouvrage, passé à la postérité.
Les entretiens et discours reportés dans ce livre sont parfois adressés à Muînuddîn Pervane, et d’autres morceaux sont des commentaires partiels du mathnawî. On y trouve aussi des explications de hadiths du Prophète (que Paix et Salut soient sur lui) et des références aux paroles de Shams de Tabrîz, Burhânuddîn Tirmidhi (qui fut aussi le Maitre de Rûmî) et Salâhuddîn Zarkûbî. Les sujets abordés dans Fîhi Mâ Fîhi sont aussi variés que la recherche mystique, l’amour, le mal, la souffrance, la nature de l’homme, etc. Mais la portée de l’œuvre est bien plus vaste et élevée, au même titre que le Mathnawî et le Dîvân-e Kabîr : Il s’agit pour Hz. Mevlânâ d’éveiller l’homme à la réalité de la Vie et à sa propre profondeur. Eva de Vitray Meyerovitch explique sa traduction du titre en écrivant: “Le Livre du dedans, c’est-à-dire de l’intériorité la plus secrète“. Elle rapporte aussi les paroles de Rûmî, citées dans l’ouvrage:
“J’ai étudié les sciences et j’ai fait des efforts, afin que les savants et les chercheurs et les gens intelligents et ceux qui pensent profondément viennent et que je leur expose des choses précieuses, étranges et subtiles : Dieu le Très Haut l’a voulu ainsi“
Il s’agit d’un recueil de quelques 150 lettres que Rumi a adressées à ses disciples ou aux grands noms de l’époque. On y trouve la profondeur de la pensée de Rûmî intégrée aux considérations de notre monde. Les lettres sont écrites dans une langue persane très caractéristique de l’époque avec des tournures complexes et beaucoup de formules de politesses.
Ces lettres n’ont été que peu traduites, et nous devons à Eva de Vitray Meyerovitch la traduction française. Dans son introduction elle écrit de cet ouvrage:
“Emanant d’un maître sublime, [ces lettres] constituent une approche personnelle de sa pensée, de ses relations avec sa famille, ses amis, les grands personnages de son époque, et l’on peut saisir sur le vif le climat socio-culturel dans lequel il vivaient, cet empire seldjoukide d’Anatolie qui,, deux siècle durant donna la plus haute image d’un total œcuménisme.”
Il s’agit d’une oeuvre en prose composée de 7 sermons que Hz. Mevlânâ a faits dans 7 assemblées différentes – d’où le titre qui veut littéralement dire “les assemblées de Sab’ah”. D’après Shamseddîn Ahmad Aflâkî – شمسالدین احمد افلاکی – le biographe de Hz. Mevlânâ, après la disparition de Shams de Tabrîz, Rûmî n’a plus fait de sermon, sauf à la demande des notables, et plus particulièrement de Salahuddîn Zarkûbî. Les 7 sermons regroupés dans cet ouvrage en font partie.
Leur lecture révèle, s’il en était besoin, la qualité d’orateur de Hz. Mevlânâ, et sa science de la rhétorique. Dans un temps limité, avec un langage simple, précis et emprunt de lyrisme, Rûmî explique des vérités spirituelles d’une profondeur saisissante. En partant d’un verset du Coran, ou d’un hadith du Prophète (que Paix et Salut soient sur lui), il élargit et enrichit le sujet d’histoires et de poésies, créant une proximité remarquable avec son œuvre magistrale: le Mathnawî.
Les Madhâles-e Sab’ah répondent à des questions variées. Nous pouvons décrire les thèmes de ces 7 sermons de la façon suivante:
Première Assemblée : La défaite de la Oummah : les peuples sont enclines à la corruption, quel est le chemin de leur salut ? Interprétation de la Noble Basmala, le miracle du Prophète (Les phases de la lune).
Deuxième Assemblée : Comment éviter le péché? Se tourner vers Allah, la richesse du cœur, le Be ب de la Basmala.
Troisième Assemblée : Le Sage ascète, serviteur du sultan et pouvoir de croyance.
Quatrième Assemblée : Le rang de ceux qui servent les autres, la vraie repentance.
Cinquième Assemblée : La prière d’Abdu’l-muttalib pour la pluie, l’égo, Le genre humain.
Sixième Assemblée : Dispute, conseils dans la Torah pour le monde, l’interprétation de “La-Ilaha”.
Septième Assemblée : La dignité de la raison, la connaissance et la sagesse, l’inné et l’acquis dans la connaissance.
A notre connaissance il n’existe pas encore de traduction de cet ouvrage en langue française.